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De Québec au Bénin pour accompagner les ados dans leur sexualité

20 décembre 2021

Quatre ans. C’est le temps qu’il aura fallu pour que le tabou de la santé sexuelle des adolescentes au Bénin devienne chose du quotidien. Zoom sur un projet de coopération internationale initié par Santé Monde, une organisation à but non lucratif basée à Québec.
– Un texte d’Émilie Pelletier, d’abord paru dans Le Soleil le 14 novembre 2021.

Taux de grossesses précoces élevé, infections transmises sexuellement et par le sang (ITSS) nombreuses et très peu de recours aux méthodes contraceptives : tels sont les constats de Santé Monde face à la sexualité des adolescentes du Bénin.

«C’est un besoin qui est clairement là, on le voit», témoigne Camille Marcotte. Coordonnatrice du projet PASSRELLE, qui vise à améliorer la santé sexuelle et reproductive de 100 000 adolescentes de 15 à 19 ans, Camille a entamé la mission au Bénin en 2018. De retour à Québec depuis peu, elle dresse le bilan de l’initiative financée par Affaires mondiales Canada, alors qu’elle doit prendre fin en mars prochain.

En débarquant dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, l’organisation de codéveloppement international Santé Monde voulait renforcer non seulement l’offre, mais aussi la demande des services de soins de santé sexuelle dans les départements de l’Atlantique et du Mono.

L’ouverture du ministère de la Santé béninois était au rendez-vous, l’organisation née il y a 35 ans a ainsi saisi l’occasion pour développer PASSRELLE avec les autorités locales.

«Les services de santé n’étaient pas utilisés à titre préventif pour les adolescentes. Ce n’était pas évident [pour elles] d’avoir de l’information et le respect de leurs droits n’était pas d’actualité», résume Hortense Lokossou, responsable égalité de genre et droits humains pour le projet PASSRELLE.

L’objectif était donc de «lever les barrières» qui freinaient les jeunes d’accéder à des services de qualité. Pour ce faire, se rapprocher d’elles, leur population «clé».

À mi-chemin entre une maison des jeunes et un centre de santé communautaire, PASSRELLE a donc mis sur pied des Centres amis des ados dans huit des 14 communes. Aires de jeu, pharmacie, salle numérique, salles d’écoute, salle de soins, les centres sont équipés pour attirer une clientèle adolescente. Du personnel a été formé pour répondre aux questions des filles, des formations sanitaires ont été offertes afin de répondre à leurs besoins.

Souvent hésitantes à consulter «par peur de se faire juger», les adolescentes avaient tendance à sous-utiliser les services mis à leur disposition. Le projet PASSRELLE a changé la donne, remarquent Camille et Hortense.

«Nous avons fait des activités de sensibilisation et nous avons vu le changement de comportement», souligne Hortense.

Pandémie qui bouleverse

Puis, la pandémie est arrivée.

«Les besoins n’ont pas tellement changé, sachant que la réalité au Bénin était différente de celle du Canada», puisqu’il n’y a pas eu de confinement, explique Camille. «C’était pas mal la vie normale.»

Simplement, «les ressources auparavant allouées à la santé des jeunes ont été allouées à la riposte à la pandémie», précise-t-elle. L’offre de services a ainsi diminué et des négociations ont dû être menées pour que les autorités continuent d’investir dans la santé sexuelle et reproductive. Un enjeu «important», mais relayé soudainement au second plan. Avec la crise de la COVID-19, le gouvernement canadien a ainsi octroyé 1 million$ de plus à Santé Monde pour que l’organisation poursuive le travail amorcé au Bénin, jusqu’en mars 2022.

Dans le monde, la pandémie n’a pas été sans conséquence pour la santé des femmes, avec des cas de violence domestique en hausse, l’accès restreint aux contraceptifs et l’interruption des tests de dépistage d’ITSS. D’après l’UNFPA (United Nations Sexual and Reproductive Health Agency), 1,4 million de grossesses non désirées additionnelles seraient survenues à cause des interruptions dans l’accès aux contraceptifs chez 12 millions de femmes, après un an de pandémie.

Au Bénin, l’aide mise en place de PASSRELLE, couplée au fait que les adolescentes sont restées davantage à la maison pendant la pandémie, a permis d’éviter la catastrophe.

Cependant, «on voyait qu’il y avait une réticence à aller vers les services de santé, ils n’étaient plus tellement fréquentés, car [certaines] les voyaient comme des foyers potentiels de contamination. Il a fallu déconstruire cette perception».

«C’est un travail constant», ajoutent les deux femmes.

Pérennité espérée

Avec la présence d’intervenants et son accompagnement quotidien auprès des équipes du Bénin, Santé Monde a permis de changer les mentalités et les habitudes quant à la santé sexuelle des adolescentes. Il est désormais possible là-bas de prévenir, plutôt que guérir.

À l’aube de quitter pour d’autres missions en collaboration avec d’autres pays du monde, il n’y a plus qu’un souhait, exprime Camille.

Le souhait de la continuité.

«Les actions peuvent continuer. Il faut que le ministère soit capable de tenir le flambeau pour ne pas qu’il y ait de rechute», soutient-elle, reconnaissant toutefois qu’«on ne peut pas s’attendre à ce que tout reste» en place.

Elle a bon espoir. «Beaucoup d’acteurs avec qui on a collaboré sont là pour insister auprès des autorités sanitaires. Nos partenaires nous ont démontré que c’était important pour eux. S’ils n’étaient pas intéressés, c’est sur qu’il n’y aurait pas de pérennité.»

Sans pour l’instant posséder de chiffres sur la fréquentation de ses Centres amis des ados, Santé Monde considère que c’est mission accomplie.

«On voit les résultats [de nos gestes] quand les acteurs locaux les prennent en main et que ça devient leur projet, leur propre fierté», terminent-elles.

Et ce n’est pas terminé.

«Ce serait tout aussi pertinent d’avoir ce genre d’intervention ailleurs dans le monde», ambitionnent-elles.